Critique de la déraison évolutionniste

O6, 2006, Critique de la déraison évolutionniste. Animalisation de l’Homme et processus de « civilisation », L’Harmattan, (coll. Sociologies et environnement), 431 p.

Ce livre ne procède d’aucune manière à une mise en cause du principe d’évolution en biologie, que l’on considère comme acquis en dépit des débats et controverses relatifs aux notions d’adaptation, de lutte et d’entraide des différentes espèces végétales ou animales. Cet ouvrage vise, en revanche, à montrer l’inconséquence et le danger des analogies ou glissements de sens des sciences de la vie vers les sciences sociohumaines ; il dénonce les prétentions de la biologie à expliquer les institutions, ces œuvres à la fois collectives, transitives et impersonnelles perpétuant, sur le mode plus ou moins sédimenté, une action humaine passée. Il montre également que les idéologies du progrès se sont toujours appuyées sur une vision évolutionniste présupposant que les sociétés dominantes, ou celles dites modernes, sont supérieures aux sociétés « non modernes » d’hier ou d’aujourd’hui, tant du point de vue du bien-être matériel que du point de vue de la connaissance et des mœurs. On y vivrait mieux ; elles constitueraient un modèle. Mais cette pensée courante se forme aussi par la volonté d’améliorer le fonctionnement des systèmes au détriment de la qualité de vie des personnes.
L’ouvrage se présente comme une enquête à base documentaire : les textes d’auteurs sont considérés comme des archives, comme des traces. Il vise, en tout premier lieu, à remettre en cause l’ensemble des théories sociologiques et anthropologiques consistant à décrire la supposée succession des phases d’évolution de l’humanité. Il montre également la double naturalisation, dominante dans l’histoire de la pensée, des changements humains et des rapports sociaux. De ce que les mêmes lois biologiques régissent les diverses formes du vivant quant au fonctionnement organique et physiologique, on ne saurait déduire que les faits de culture ou les institutions sédimentées par l’histoire ont une cause biogénétique, encore moins confondre animalité et humanité. Les pensées évolutionnistes d’hier et d’aujourd’hui associent le sens du progrès et l’ethnocentrisme, qui existaient déjà dès la haute Antiquité, à la valorisation permanente du productivisme et à l’éloge d’une science de plus en plus segmentaire : travaillant de moins en moins en phase avec la conscience. Ces quatre racines de l’évolutionnisme social l’alimentent et le légitiment tout en se renforçant mutuellement.

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